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Comme une bulle de savon... (début du chapitre 93)

   Manquant dramatiquement d'oxygène: la substance grise de Lucien accusait sa détresse...

Alors la pensée du poète avait suivi le flot ininterrompu des images de sa vie.

Un à un, ses neurones allaient bientôt s’entre déconnecter. Privée du potentiel électrique qui l'alimentait: son énergie spirituelle allait quitter à son tour sa matière organique. Après un temps de « vie » fantomatique qui serait plus ou moins long, elle s'en retournerait vers l’essence cosmique. Sa conscience ne serait bientôt plus alors qu'un grain de lumière, flottant parmi la lumière; tandis que l’aura se dissocierait doucement du corps…

Un vortex inquiétant dessina un chemin abstrait. Il s'ouvrit à l'âme du poète. Et puis le décor autour de lui sembla se resserrer. Il devint tunnel. À l'extrémité de cette étrangeté vaporeuse, se voulant rassurants, des êtres de lumière faisaient de grands gestes… l’invitant à les rejoindre… C’est à ce moment précis que son cœur avait cessé de battre. Alors, n'étant plus irrigué, son cerveau s'apprêta à mourir, lui aussi… La brume vivante consentit alors de s'écarter devant l'insistance de la lumière… laquelle s'intensifia… Puis elle se déchira d'un coup… et Lucien sombra tout entier dans l'océan illuminé d’un néant éthéré.

*

Chacun, qui était venu assister Lucien dans ses derniers instants, savait hélas que si le dieu photon Erzeré-Gabryel n'avait pu revenir à temps pour tenter, sinon d'empêcher, au moins de reporter le décès du poète, c'est parce qu'il était allé rendre compte de sa mission auprès de son père spirituel…

je crains fort que mon fils ne puisse nous rejoindre, leur avait auparavant annoncé Néphysthéo. Il y a pourtant d'autres pages encore non tournées du livre des karmas qui mentionnent le nom de cet homme… Mais j'en ignore toutefois la raison. Seul un dieu au moins équivalent, sinon supérieur à Junyather, qui le tient à jour, pourrait nous renseigner… À condition qu'il y consente.

Gabryel avait confirmé son propos. À présent chacun se recueillait, tandis que Maria pleurait doucement. Quand plus tard on annonça enfin le pacificateur: Lucien n'était plus depuis presque une heure…

*

Erzeré-Gabryel posa cependant ses deux mains à plat sur le front blême du poète… L'instant d'après, le corps du mort fut secoué d'un spasme si violent qu'émettant un sinistre craquement: son lit en rendit l'âme.

Allons monsieur le poète, arrêteras-tu de faire le pitre? Sache pourtant que quand tu auras fini de gesticuler, tu devras m'entendre, car il se trouve que le père spirituel souhaite de pouvoir te parler par ma voix… Alors reviens!... Et puis assieds-toi…

Maria incrédule avait bien tenté de se relever elle aussi. Mais elle n'y parvenait pas. Son pauvre corps, qui depuis des heures se voyait à genou comme on prie, glissa doucement sur le côté, en même temps que, subissant le contrecoup d’une trop rude épreuve, sa conscience la quittait.

Tout près d’elle, un cœur pourtant s'était remis à battre!

Le corps du défunt obtempérait…

Assis sur son séant, il y avait à présent un être dépourvu de conscience.

Un peu comme s'il s'agissait d'un zombie... qui serait sous l'emprise hypnotique d'une entité manipulatrice.

Et maintenant: respire !

Lentement, les poumons s’emplirent d’air. Mais quand elle se fut gonflée à son maximum, la cage thoracique resta de nouveau figée. Puis la bouche s'ouvrit, pour laisser sortir un léger souffle. Il y eut un moment d'hésitation. Encore un peu d'air fut expectoré. Et puis tout se vida d'un coup. De nouveau le diaphragme laissa la place pour permettre un autre gonflement de la poitrine. Celui-là fut moins laborieux. Et ainsi de suite… Jusqu’à ce que la respiration retrouve un rythme normal…

Lucien: à présent que tu es matériellement revenu à la vie… je vais procéder à ce qu'il m'a été permis de faire pour que ton esprit réintègre ton corps, en même temps que je vais t'aider à régénérer ton cerveau. Pour ce faire, je vais lui apporter d’autres cellules. Ce sont celles d'un immortel…

L'orbe que chacun put voir semblait venu de nulle part. Il hésita un instant, s’arrêtant au-dessus du poète. Agissant comme le ferait le contenu électrifié qui est soudain libéré d'une boule à plasma. Puis il piqua vers la fontanelle et la pénétra d'un coup.

Lucien, je t'ordonne à présent d'ouvrir les yeux!

Maria, qui malgré son court évanouissement n'avait jamais lâché la main de Lucien une seule seconde, faisait intégralement partie de l'action. Ce qu'elle sentit passer de la main du poète à la sienne se manifestait de façon si étrange, que son corps à elle pouvait lui paraître possédé lui aussi: comme semblait-il, l'était à présent devenu celui de son cher mari qu'elle avait pourtant vu défunt.

De fait, lorsque Lucien ouvrit les yeux elle poussa un cri strident et s'affaissa pour de bon.

Serait-elle à son tour?

Non Morganie, lui répondit le pacificateur: mais l'émotion qu'elle a endurée était si intense qu'elle a fini par s'évanouir plus profondément encore, et puis il se trouve qu'elle a certainement obtenu elle aussi sa part du contenu de l'orbe…

Il fallut attendre une bonne vingtaine de minutes de temps humain, pour que Lucien et Maria retrouvent à la fois l'usage de la parole, et un contrôle suffisant de leur esprit. Celui du poète, étant probablement surpris d'avoir si vite réintégré l'enveloppe qu'il venait à peine de quitter… Tandis que celui de Maria, pourtant apparenté à l'esprit de sa mère, la fée Marie, rechignait néanmoins à croire en cette résurrection, dont le caractère paranormal, méritait manifestement quelque éclaircissement.

 



23/04/2018
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