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"Un bienfait n'est jamais perdu"

Sur cette route de campagne désertique qui semblait surgir de nulle part, la vielle guimbarde noire que conduisait Georges Person se frayait un passage à travers les nids de poule et cahotait sous une pluie battante malgré que la faible lumière du couchant n'aidait en rien celle de ses phares agonisants, lorsqu'il vit soudain devant lui clignoter des feux de détresse. Alors il s'arrêta pile derrière la voiture immobile et sortit de la sienne, puis il se dirigea vers la pauvre dame, qui malgré le sourire qui se dessinait sur son visage, semblait néanmoins effrayée. Depuis le temps qu'elle attendait là, sous un minable parapluie, à regarder son pneu à plat alors que personne ne s'était arrêté pour l'aider, elle jugeait à la fois providentielle et dangereuse l'arrivée de ce jeune homme malingre qui lui paraissait probablement pauvre et affamé! Allait-il l'aider ou la dévaliser?...
- Bonsoir madame, ne craignez rien,
je vais vous aider, ouvrez votre coffre et en attendant, venez donc vous asseoir dans ma voiture. Elle est vétuste, mais vous y serez mieux que dehors.

Georges s'était déjà emparé du cric, il fléchit les genoux, cherchant comment le placer, actionna la manivelle et s'activa à remplacer la roue. Quelques minutes après, les mains sales et le dos trempé, il écoutait la dame lui expliquer qu'elle était juste de passage et ne savait comment le remercier.

Le jeune homme ébaucha un sourire tout en refermant le coffre de la luxueuse limousine. La dame lui demanda combien elle lui devait, pensant aux choses affreuses auxquelles elle aurait été exposée s'il ne s'était pas arrêté avant la nuit. Georges lui répondit:
- À aucun moment madame, je n'ai pensé être payé, ce n'est pas un travail pour moi d'aider quelqu'un dans le besoin. Combien de fois des gens m'ont aidé dans le passé de la même manière. Je mènes certes une existence difficile, mais il ne me viendrait pas à l'esprit de vivre autrement...

Il attendit qu'elle démarra son véhicule et qu'elle s'en alla avant lui. Il était trempé jusqu'aux os mais pour lui c'était une belle soirée car il se sentait bien en reprenant le chemin qui conduisait vers l'endroit où il passerait la nuit.

Quelques kilomètres plus loin, à l'orée d'un village perdu, la dame trouva l'enseigne encore éclairée d'une modeste auberge. Elle décida d'y faire une halte pour se réchauffer et manger quelque chose avant de faire le reste du long parcours qui l'attendait. C'était un restaurant dans lequel se trouvait un vieux poêles à bois. La serveuse qui l'accueillit lui proposa une serviette propre pour essuyer ses cheveux mouillés. Elle montrait un sourire aimable, malgré le fait d'être certainement fatiguée. La dame pensa cela en remarquant que la serveuse était enceinte et qu'à ce stade elle n'aurait pas dû travailler. Malgré cela elle ne laissait rien paraître de lassitude. La dame assurément devait se demander comment une personne pouvait être si courageuse. Alors, elle juxtaposa l'image à celle de Georges Person. Quand elle eut fini son repas elle paya avec un billet de 50 €. La serveuse alla aussitôt chercher la monnaie, mais la dame se faufila dehors et disparut avant que la serveuse ne revienne à la table. C'est alors qu'elle remarquait quelques mots griffonnés à la hâte sur la serviette de table. Des larmes coulèrent de ses yeux quand elle lut ce que la dame lui avait écrit :
- Tu ne me dois rien. Je suis passée aussi par là. Quelqu'un vient de m'aider à m'en sortir, alors à mon tour je le fais pour toi… Et sous la serviette de papier, il y avait quatre autres billets de 50 € ! Ce soir-là en parcourant le chemin pour rentrer chez elle, la jeune femme pensa à l'argent et à ce que la dame lui avait écrit. Se demandant comment elle avait su deviner que son couple en avait grand besoin? Avec l'arrivée imminente du bébé et l'arrêt de son travail non déclaré, les mois à venir s'annonçaient certainement difficiles. Elle savait comment son compagnon s'en inquiétait, lui-même vivant de "petits boulots"; alors elle lui donna un doux baiser et chuchota doucement à son oreille:
- Tout ira bien mon Georges. Et puis tu sais que je t'aime…



22/05/2016
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